PISTE

Une glorieuse campagne d’Égypte

Sept médailles sur quatorze épreuves : tel est le bilan tricolore de la manche de coupe du monde disputée au Caire. Des dominations, des confirmations, des surprises, des promesses : le travail de nos pistards commence à payer.

C’est dimanche seulement qu’on a vu paraître sur les réseaux des photos de nos athlètes hilares à dos de chameau, ou sur fond de pyramides. Et pourtant, c’est trois jours avant la compétition que l’ambassade de France en Égypte leur avait organisé ce petit moment de détente qui s’avérerait si bénéfique en termes de cohésion et, conséquemment, de résultats. Plutôt que de s’enfermer à l’hôtel et d’y laisser monter la pression, l’équipe de France piste a donc fait un choix. Le bon, incontestablement, puisqu’en 14 épreuves disputées, les bleus ont décroché 8 médailles, dont trois d’or, quatre d’argent et une de bronze.

Les médailles

OR

  • Poursuite par équipes Femmes ( Clara Copponi, Valentine Fortin, Marie Le Net et Marion Borras).
  • Madison Femmes : Clara Copponi et Valentine Fortin.
  • Omnium Hommes : Thomas Boudat.

Argent

  • Poursuite par équipe hommes.
  • Vitesse par équipe hommes.
  • Élimination femmes : Victoire Berteau.
  • Omnium Femmes : Victoire Berteau.

Bronze

  • Vitesse par équipe femme
piste femmes poursuite le caire 2023
Marie Le Net, Victoire Berteau, Valentine Fortin, Clara Copponi et Marion Borras

Dès le lendemain, d’autant plus efficaces que joyeux et détendus, les athlètes ont pris possession de l’anneau cairote. Le vélodrome international du Caire est du type semi couvert et, comme tel, ouvert aux vents et autres variations atmosphériques. Au fil de la journée de compétition la température oscillait : de 20°C le matin, montait à 30°C en plein journée pour se rafraîchir au crépuscule, tombant jusqu’à 16°C. Dans ces conditions, l’indice de densité de l’air, si cher à nos analystes performance, était très éloigné de l’idéal. Pour ne rien dire du vent. Et de fait toutes les performances chronométriques sont à pondérer à l’aune de ces « mauvaises conditions. » En d’autres termes, elles n’en sont que meilleures.

Endurance

Des poursuiteuses dans la cour des grands

Même si les compétiteurs auraient sans doute goûté un peu plus d’encouragements (les gradins sont restés vides), ils ont livré des courses de grande qualité. En effet cette deuxième manche de Coupe du Monde, après celle de Jakarta, était la troisième étape d’un parcours de qualification olympique débuté aux championnats d’Europe de Granges. Les nations font des choix différents dans leurs parcours de qualification olympique, mais seule l’Australie, occupée par ses championnats nationaux, manquait à l’appel. Ajoutons aussi pour être juste que du côté de l’endurance, où les conflits de calendrier avec la route sont fréquents, l’Italie n’avait pas aligné ses meilleurs éléments.

Mais cela n’enlève rien aux performances de nos équipes. À commencer par celles de nos poursuiteuses qui, à défaut d’Italiennes ont tout de même battu les Néo-Zélandaises (lesquelles avaient signé trois semaines plus tôt à Jakarta un énorme 4’08) Ici, le 4’13’’820 des Françaises n’est que le miroir déformant de leur valeur réelle, eu égard aux conditions de piste déjà mentionnées. Précisons qu’avant de monter sur la plus haute marche du podium, elles avaient disposé des Allemandes (dont l’équipe se composait, excusez du peu, de trois championnes olympiques et d’une championne du monde.) Samuel Monnerais, leur entraîneur, tien à souligner la « richesse » de la poursuite féminine tricolore : « On avait cinq filles dans le coup, le retour aux affaires de Marie [Le Net] nous fait un bol d’air ! »

La satisfaction est grande, et fort le sentiment du travail bien fait. « Il faut garder la tête froide, dit encore Monnerais, car le niveau ne sera pas le même aux Mondiaux en août, pour ne rien dire des Jeux. Mais je n’oublie pas que ce groupe-là, désormais capable de jouer dans la cour des meilleures nations, était péniblement allé chercher sa qualification pour Tokyo : elles ont fait un sacré bout de chemin ! »

En attendant, les points engrangés par les endurants sur cette manche donnent un peu d’air à l’équipe de France sur le chemin de Paris 2024. Sans parler de l’effet psychologique consistant à débloquer le compteur des médailles d’or.

Clara Copponi, une fille (enfin) en or

Tiens, parlez-en à Clara Copponi, dont les poches tintinnabulent depuis trois ans de plus de médailles d’argent que les vôtres de pièces jaunes. La guerrière de l’équipe de France a enfin trouvé la pierre philosophale, et converti l’argent en or. Après la poursuite par équipe, c’est associée à Valentine Fortin en Madison qu’elle est enfin sacrée, décrochant une deuxième médaille d’or. Et avec la manière, qui plus est. « Elles auraient pu tout perdre dans le dernier tour, explique Samuel Monnerais, après une manœuvre erratique des Néo-Zélandaises leur eut coupé leur dernier relais. La mésaventure était arrivée au JO, et les avait prises au dépourvu. Cette fois-ci Clara a eu le bon réflexe, elle a accéléré, et nous a sorti un de ces sprints dont elle a le secret, sans oublier de toucher la cuisse de Valentine au 200m, pour valider le relais : elle m’a bluffé ! »

« Dès le matin, j’avais de bonnes sensations, ce qui n’avait pas été le cas à Granges ni à Jakarta, confesse l’intéressée. Avec Valentine, on aurait aimé adopter une tactique plus offensive, mais on n’a guère trouvé d’ouverture, alors on a joué les sprints. On veillait à ne pas tous les faire, pour souffler et être efficace au bon moment. Pour le dernier tour, on avait tout bien calculé, mais quand je descends pour prendre le relais, les Néo-Z nous passent au milieu ! Clairement, aurait pu se satelliser. Mais j’ai tout de suite réagi et commencé à sprinter. »

Même quand il n’a rien d’une surprise, l’Or fait du bien. On peut en dire autant de l’Argent qu’on n’attendait pas. Il faut bien dire avec tout le respect qu’on lui porte, que Victoire Berteau, médaillée sur l’omnium ET sur l’élimination, a étonné son monde, non pas tant par sa valeur physique que par une confiance en soi toute nouvelle. Elle n’a buté que sur Jennifer Valente (sur qui elle a cependant pris sa revanche dans l’élimination de l’omnium !) dans l’élimination et sur Ally Wollaston à l’issue de l’omnium.

La poursuite masculine est passé près, Boudat a mis dans le mille

Les hommes aussi ont brillé sur la piste du Caire. La poursuite par équipe ne passe pas loin de la victoire, battue de peu par les Danois qui l’avaient déjà emporté à Jakarta. La performance est d’autant plus significative que le quatuor français était légèrement diminué, notamment en la personne de Valentin Tabelion qui effectuait là son retour, après sa sérieuse chute (luxation de l’épaule) de l’Étoile de Bessèges. Bessèges où Thomas Boudat avait chuté lui aussi, quoique plus légèrement. À preuve, il est parfaitement remis, et c’est peu de le dire, lui qui a remporté l’omnium après avoir littéralement survolé la course aux points, et s’être joué de concurrents comme Elia Viviani ou Roger Kluge.

Le sprint

En matière de qualification olympique, la stratégie globale du sprint français, emmené par Grégory Baugé visait une montée en puissance progressive. Granges n’était pour ainsi dire par ciblée, au profit des 2 premières coupes du monde, meilleures pourvoyeuses de points.

Une vitesse par équipe en progression constante

Bien sûr, l’accent est mis sur la Vitesse par Équipes. Laquelle a largement brillé ce week-end, décrochant la seconde place derrière l’éternel obstacle que sont les Hollandais emmenés par Harrie Lavreysen. Néanmoins, les motifs d’optimisme sont réels, selon Anthony Barré, analyste performance du sprint français. « Nous avons une équipe jeune, et qui est sur la trajectoire ascendante. Quant à eux, même si Lavreysen semble imprenable, Roy Van Den Berg leur démarreur est vieillissant, et Hoogland lui-même s’émousse. » Le sprint français est dans un schéma inverse dont les deux démarreurs (Timmy Gillion et Florian Grengbo) brillent par leur jeunesse. Quant à Sébastien Vigier (poste 2) et Ryan Helal (poste 3), ils ont battu ici leurs records de puissance personnels. De bon augure.

Les filles, un trio solide

La VPE féminine qui a longtemps manqué d’un troisième maillon, et semble l’avoir trouvé en Julie Michaux, a décroché sa première médaille en coupe du monde. Au-delà du classement, le motif le plus encourageant, selon les staffs tricolores, c’est la régularité de nos filles, leur capacité à répéter les efforts. Alors que le chrono des Anglaises s’alourdissait d’une seconde au fil du tournoi, le trio composé de Mathilde Gros, Marie-Divine Kouamé et Julie Michaux, à l’inverse gagnait 3 dixièmes au fil des tours ! Après le bronze décroché à Cali l’an passé, la cinquième place aux Mondiaux de Saint-Quentin-en-Yvelines, la vitesse féminine se rapproche de sa ligne orbitale.

Au Caire, Mathilde Gros, championne du monde en titre, n’a pas disputé le tournoi de vitesse individuelle. En délicatesse avec un genou, et jouant la prudence, elle a permis à Julie Michaux de se faire sa première expérience. Dont le 13è temps au 200 est prometteur.

Après cette moisson de médailles qui agit comme un baume sur les déceptions passées, l’équipe de France de sprint est tournée vers les prochaines échéances. Une semaine de repos, une semaine de reprise « autonome », une semaine de « cohésion », puis le travail intensif sur la piste reprendra. Quinze semaines nous sépareront alors des championnats du monde.

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