
Léo, Célia, Clément et les autres.
Aux championnats du monde de cyclo-cross, tenus ce week-end à Hoogerheide, aux Pays-Bas, les Français ont fait mieux que bonne figure. Des top10 en Élite, un classement par équipe en Espoirs dames, un podium pour Célia Géry et un titre chez les juniors pour un Léo Bisiaux au-dessus du lot.

À Hoogerheide, l’enfant du pays n’était pas seulement ce blond prodige qui emporta le titre suprême, non plus que l’auteur non moins blond de ses jours, qui avait tracé le circuit. À Hoogerheide, on adopte tous les coureurs comme s’ils étaient nés fumants des labours locaux, c’est le cyclo-cross qu’on célèbre, et qui fait office de religion (qui, littéralement, relie les hommes.)
Le circuit de ce championnat du monde 2023 figurait ainsi une sorte d’église à ciel ouvert, réunissant pas moins de cinquante mille fidèles, échauffés par la passion d’une discipline incomparable (et peut-être par quelque boisson gazeuse consommée en quantité raisonnable – ainsi l’ambiance atteignait bien 7,5° les après-midi.)

Nos athlètes français se sont crânement illustrés au fil de cette tonitruante célébration.
Samedi le tracé roulant, évoquant les qualités de puissance, était rendu plus délicat que prévu à négocier en raison de la pluie tombée dans la nuit. Contrairement à la veille sur le relais mixte où nombre de concurrents avaient eu le sentiment de rouler sur « une autoroute », il faudrait faire valoir aussi ses compétences de fin pilote.
Les juniors femmes étaient les premières à en découdre. La championne de France Lise Klaes livra une performance honorable sur ce terrain presque à son goût – elle se classa 20e, s’estimant « à sa place. » Mais c’est sa concurrente malheureuse de Bagnoles de l’Orne qui fit claquer les couleurs tricolores sur la troisième marche du podium : Célia Géry arracha le bronze d’un souffle, dans un ultime coup de rein.
Le trio de tête composé des sœurs jumelles Holmgren et de la grande favorite Lauren Molengraaf avait d’abord placé le podium hors d’atteinte pour les poursuivantes. Mais une crevaison de la Néerlandaise en libéra la troisième marche, et l’enjeu de la lutte qui opposait Célia Géry à l’Italienne Federica Venturelli changea de dimension. Aussi acharnée qu’indécise, la médaille de bronze se jouerait dans un sprint extrêmement serré, au point que c’est la photo finish qui l’attribuerait à la Française.


Pour l’entraineur national François Trarieux, le classement reflète « un cyclisme féminin [qui] non seulement se professionnalise, s’internationalise » mais produit des athlètes transdisciplinaires : « cette génération émergente, les juniors telle Molengraaf, ou les U23 comme Pieterse, Van Empel, Van Anroj, Backsted ou Burquier, va être très forte aussi bien en cyclo-cross qu’en VTT ou sur route. »
Pour l’entraineur national François Trarieux, le classement reflète « un cyclisme féminin [qui] non seulement se professionnalise, s’internationalise » mais produit des athlètes transdisciplinaires : « cette génération émergente, les juniors telle Molengraaf, ou les U23 comme Pieterse, Van Empel, Van Anroj, Backsted ou Burquier, va être très forte aussi bien en cyclo-cross qu’en VTT ou sur route. »
Sur la course des U23 Hommes, il faut bien le dire, il ne fut jamais question de podium français. Mais le tir groupé de Rémi Lelandais (12 è), Martin Groslambert (13e) et Nathan Bommenel, à plus d’une minute trente de Thibau Nys, n’est certes pas le signe d’une débâcle ou la signature d’une nation mineure. Il doit être lu comme un encouragement à poursuivre le renforcement de nos structures, dans le but de combler l’écart avec les spécialistes historiques que sont Belges et Néerlandais.
En Élite femmes, la récente championne de France Hélène Clauzel montrait sa solidité, accrochant tout juste le top 10 qu’elle visait.
Léo au-dessus du lot
Le lendemain matin, c’est sous un ciel radieux que les U19 Hommes prenait le départ. Non que le terrain eût séché bien sûr, mais l’absence de toute précipitation supplémentaire l’avait déjà laissé évoluer. Léo Bisiaux était plus qu’attendu, puisque plus d’un concurrent avait prévu de calquer sa course sur lui : être l’étalon de la performance des autres, c’est être favori. Déjà champion d’Europe, champion de France et vainqueur de la coupe du Monde, le coureur d’AG2R Citroën Team U19 n’a pas tremblé, et décroché le titre ultime – cet arc-en-ciel augural d’une grande carrière ?



Pour la France, le premier titre mondial masculin depuis 2011. Parti à la fin du deuxième tour, s’autopropulsant d’une accélération à quoi personne ne put résister, Léo a systématiquement et calmement creusé l’écart sur son poursuivant, le Néerlandais Senna Remijn. François Trarieux met en exergue la spirale vertueuse dans laquelle s’est installé le coureur riomois : « Depuis l’an passé où, junior première année, il s’était déjà classé 3è du championnat d’Europe sur route à Anadia, il a considérablement progressé physiquement. Mais surtout, il a bien débuté la saison, ce qui lui a permis de bâtir sur une confiance tôt acquise, et qui n’a fait que se renforcer au fil des semaines. Sur les dernières manches de Coupe du Monde, à Benidorm et à Besançon, où il a du surmonter diverses contrariétés, il a fait preuve d’un calme significatif. Avec lui nous avons plus que le vainqueur d’un championnat du monde : Léo est bien le meilleur crossman mondial du moment chez les juniors. »
Quant à la course U23 féminine, elle fut l’occasion d’un beau tir groupé de nos coureuses. Amandine Fouquenet, Line Burquier et Laurianne Durrafourg remportent ainsi le classement des nations devant les Pays-Bas : la performance n’est pas mince. Quatrième, « à la plus mauvaise place », la coureuse d’Arkéa a pourtant conclu avec brio une saison qui ne l’a pas vue au meilleur de ses possibilités. Quant à Line Burquier, c’est en dépit d’une lourde chute qu’elle se classe finalement sixième.
Restait à courir l’apothéose de ce week-end de championnat mondial, avec la course Élite Hommes, et le divin duel attendu entre Matthieu Van der Poel et Wout Van Aert. L’épisode homérique eût bien lieu, qui comme on sait tourna en faveur du Néerlandais. Derrière les deux monstres, les humains s’expliquaient avec leurs imperfections natives et leur virtuosité acquise. Clément Venturini, notre champion national fit un temps jeu égal avec Eli Iserbyt et Lars van der Haar qui se disputèrent finalement la troisième marche du podium, puis du descendre d’un cran, pour achever à dixième place un championnat où il avait choisi de privilégier la sensation de plaisir à un résultat qu’il savait équivalent car, dit-il, « 7, 10 ou 15, c’est anecdotique. »
Donnons-lui raison : l’art n’est-il pas dans la manière autant que dans la trace qu’il laisse ?