PISTE

Le feuilleton de Glasgow, Day Two. Pluie de médailles : premières gouttes !

La deuxième journée fut très dense, et riche en émotions. Alors que les routiers prenaient leurs quartiers dans la campagne écossaise, les deux premières médailles – de bronze – tombaient dans l’escarcelle française, en descente U19 et en vitesse par équipes masculine. Le compteur est débloqué !

De fait, nonobstant la saison, pour tous les acteurs de ce championnat total – regroupant, répétons-le, pas moins de 13 disciplines cyclistes – les journées de travail sont plus longues que les journées solaires. Ce matin encore, à l’heure de rallier le vélodrome, la lumière pleuvait sur Glasgow, réchauffant les façades de grès rouge. Mais l’astre dont les hommes rêvent s’attirer les faveurs, n’a pas de patrie. On ne peut que l’imaginer dorer le toit du vélodrome, impartial souverain.

Les filles poursuivent

Pourtant, alors que se déroulaient les qualifications de la poursuite par équipes féminine, il a chauffé les muscles de nos Françaises. Victoire Berteau, Marion Borras, Valentine Fortin et Marie Le Net ont réalisé le quatrième temps de ces qualifications. À 4 secondes, certes, du score canon des Anglaises (4’10’’133), mais à 8/10e de la troisième place, occupée par les Américaines.

La stratégie bien rôdée des Françaises a fonctionné, qui consiste à tirer le meilleur de chaque potentiel (truisme !), notamment en confiant de plus long relais aux « grands gabarits » qui, en tant que tels, récupèrent moins efficacement dans les roues. On se souvient de Marion Borras, au Mondial 2022 de SQY, tenant la barre 4 tours et reprenant 1,5 » aux Australiennes.

On sait donc qu’en termes purement chronométriques, nos Bleues sont capables de faire mieux. La médaille reste à portée de mollet, et l’optimisme de mise. La difficulté viendra du fait que le match de demain les opposera aux Anglaises elles-mêmes, et sera difficile à gagner. Si une victoire (à cœurs vaillants…) ouvrirait directement les portes de la grande finale, il resterait possible, même en cas de « défaite », de se qualifier au temps pour la « petite finale. »

« Évidemment, c’est dommage, commente leur coach Samuel Monnerais. On manque de peu la 3e place, et il est sûr que le match 2 contre 3 était plus facile à gagner. Or, la configuration 1 contre 4 qui nous oppose aux Anglaises ne nous met pas en ballotage favorable. C’est un peu le biais de ce format de compétition : entre les Italiennes qui ont fini 5è et les Canadiennes à la 8è place, il y a presque 5 secondes. A priori le match serait plus facile si on s’était classé 5e ! Mais on y croit. »

L’art est difficile

Sur le 500 mètres départ arrêté féminin, il va sans dire que Marie-Divine Kouamé, tenante du titre, était attendue, et que sa contre-performance est une déception (la sienne avant tout) Mais, quoi ? La possibilité de faire moins bien n’est-elle pas au principe même du sport ? On sait que la critique est facile et que l’art est difficile. Que vaudrait la performance si elle était parfaitement prévisible ? Or, précisément, quant à recourir à l’objectivité de la mesure, les remarques d’Anthony Barré s’autorisent d’un certain optimisme : « Marie a surtout eu un long temps de réaction : si on déduit les 2/10è qu’elle perd dans la boîte, cela la classe 7è. Il ne s’agit pas d’éluder la contre-performance mais de l’analyser. »

Les routiers sont sympas (et en forme)

C’est à Stirling, bourg médiéval que surplombe, perché sur sa falaise, un des plus grands châteaux d’Ecosse, que les routiers français ont élu domicile. L’hôtel de l’équipe de France est à cette image, typique au point qu’on y imagine quelque spectre en drap blanc déambulant les couloirs. Espérons tout de même que nos champions dorment – se mettre au vert est une chose, le sommeil reste un élément clé de la performance.

C’est un point-presse détendu auquel nous assistons. Les prétendants à la successions d’Evenepoel se succèdent aux micros, rivalisant d’humour et de bons mots. Deux aspects se dégagent de leurs commentaires : la complexité du parcours de dimanche, et le plaisir éprouvé par chacun d’entre eux de courir sous le maillot de l’équipe de France.

Du parcours, on sait le caractère cassant et tourmenté : montées et descentes s’enchaînent sans répit, et le tracé urbain du circuit final compte pas moins de… 48 virages par tour. « Ça tourne tellement, dit Julian Alaphilippe, que j’ai fini la reco totalement désorienté. » « Celui qui l’a tracé a du boire un coup de trop » rigole Benoit Cosnefroy. Ce qui est sûr c’est qu’on sera toujours en file indienne, et que ce genre de circuit avantage les échappés. C’est très limite, mais je dois dire par ailleurs que cela correspond assez bien à mes qualités physiques. »

Le sélectionneur Thomas Voeckler ne dément pas. « C’est sûr, c’est un parcours où l’on peut perdre la tête – c’est pour ça que j’ai choisi non seulement des puncheurs et des durs à cuire, mais avant tout des coureurs d’expérience. Comme on sait, un championnat du monde se court sans oreillette, mais ce genre de circuit réduit encore les possibilités de communication avec les coureurs, aussi bien qu’entre les coureurs eux-mêmes. »

Pas un qui n’ait par ailleurs mentionné son plaisir de courir sous le maillot de l’équipe de France. La sélection nationale semble presque un moment de répit dans la saison « parce qu’on est en dehors du système World Tour, des bus, etc., et qu’on découvre ensemble une course inédite » explique Christophe Laporte, pièce maîtresse de cette équipe. Un moment de retrouvailles pour des champions qui ont tissé des liens serrés – « notamment autour des victoires de Julian en 2020 et 2021 », souligne modestement le coureur de Jumbo-Visma. Valentin Madouas résume d’un mot cet état d’esprit : « On est la seule équipe qui reste une heure à table après le repas. L’équipe qui s’entend le mieux. » Avant d’ajouter avec sérieux « Avec le maillot de l’équipe de France sur le dos, on représente tous les autres coureurs du pays, c’est une responsabilité. »

Bonnes nouvelles de Fort William

Pendant ce temps, plus au Nord, sur les pentes de Ben Nevis, les descendeurs U19 étaient entrés dans le vif du sujet. Auteur du troisième temps hier, Léo Abella se pare de bronze sur une piste très exigeante et très complète, décrochant officiellement la première médaille française de ces mondiaux glaswégiens. Emmanuel Huber, conseiller technique national pour la descente, ne cache pas sa satisfaction. « Léo m’a un peu étonné. Je pensais qu’il n’était pas le plus rapide. Avec un bon passé de BMX, il était à son aise dans la troisième partie qui comprenait plusieurs sauts, mais il n’était pas fou (sic) dans le bois. Nathan [Pontvianne, classé 4e, ndr] a bien marché aussi. Pour la petite histoire, il n’avait pas fait les minimum requis, mais nous avons choisi de lui faire confiance car nous connaissons son potentiel, et nous avons bien fait. Mais je dois dire que tout le groupe des juniors était dans le match, chacun des sept garçons était capable de faire une médaille. » Du côté des filles, Lisa Bouladou et Lais Bonnaure se classent six-et-septième.

Les poursuiteurs entre satisfaction et déception

Sur le bois du vélodrome, la poursuite par équipe masculine se classait au cinquième rang du tournoi. Une légère déception, mais une performance honorable dans l’absolu, et même remarquable eu égard aux circonstances adverses rencontrées au début de la semaine.

« Il y a un peu de déception, bien sûr, concède Steven Henry, le head coach de l’endurance, parce que, évidemment, on espérait aller en petite finale. Mais quand on pense à ce qui s’est passé lundi [Quentin Lafargue était victime d’une lourde chute, dans laquelle Corentin Ermenaut était pris également] on a tout simplement failli être forfait. À ce moment-là, une cinquième place c’était inenvisageable ! Donc la performance est bonne. Mais c’est rageant, car il ne nous manque qu’un petit truc. Les temps de passage le montrent : nous faisons jeu égal avec les Néo-Zélandais et les Australiens jusqu’à trois tours de l’arrivée. Nous n’arrivons pas à présenter tout le monde à 100% le même jour. Je me répète, mais la chute nous a fait mal. Cela étant, on continue de progresser sereinement dans le processus de qualifications, et notre objectif reste les Jeux. »

La VPE fait sauter le verrou

En fin de journée, entre le premier tour et la finale de la vitesse par équipes masculine, le programme ne prévoyait qu’une demi-heure. Ce qui était plutôt en faveur des Français, dotés d’une excellente capacité de récupération, selon Anthony Barré : « Le format inhabituel de ce mondial, étalé sur dix jours, devrait voir nos sprinters monter en puissance. »

Et de fait, le trio Grengbo-Vigier-Helal a fait, non pas des miracles, mais a, disons, donné sa pleine mesure. Florian Grengbo sublime son retour à la compétition, signant deux fois des temps proches de son record, et lançant ses coéquipiers sur des bases idéales. En petite finale, Rayan Helal réalise un canon 12’’53, battant son propre record, et renversant dans les 125 derniers mètres un match tendu qui semblait tourner en faveur des Anglais. Cette médaille de bronze vient à point nommé, après un début de tournoi difficile. Le verrou a sauté. Sébastien Vigier le dit : « On a tendance à être un peu diesel, on a besoin de temps pour mettre en route. Ce qui pose question d’ailleurs. Mais pour l’instant, ici à Glasgow, on devrait aller de mieux en mieux. »

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