PISTE

Le feuilleton de Glasgow, Day Three : trois médailles dont un maillot !

Ici à Glasgow, la lutte est sévère, et pas exempte de déceptions. Mais elles n’en donnent que plus de relief aux bonheurs. La journée a permis à l’équipe de France de cueillir trois nouvelles médailles, dont une d’or. Car Julie Bego est devenue championne du monde sur route des U19. Car Marine Cabirou, au pied de la descente, est montée sur la troisième marche du podium. Car les poursuiteuses françaises ont battu l’Italie en « petite finale » au terme d’un match époustouflant.

Ouvrant les rideaux, on se dit que décidément la réputation pluviométrique du pays est surfaite : trois jours que nous couvrons ces championnats du monde écossais, et le ciel n’a toujours pas craqué lorsque nous nous engouffrons à nouveau sous le toit du vélodrome. Mais il menace.

La vitesse dubitative

Au lendemain de leur médaille de bronze en VPE, Sébastien Vigier et Rayan Helal se remettaient en selle et en piste pour le tournoi individuel. Mais les efforts consentis la veille n’étaient peut-être pas tout à fait digérés. De fait l’un et l’autre ont passé le stade des qualifications, réalisant respectivement les 23e et 20e temps, chacun très en dessous de son niveau physique optimal. Cette faible marge eut aussi pour résultat de les opposer aussitôt à de redoutables adversaires : le Japonais Kaiya Ota pour Sébastien, et l’Australien Thomas Cornish pour Rayan. Moins d’une heure plus tard, n’ayant pas su acculer stratégiquement leurs adversaires et inverser la tendance, nos sprinters ne passaient pas le cap des 1/16e de finale.

Round perdu contre les Anglaises : même pas mal !

Entre les qualifications et ces seizièmes de finale malheureux pour nos sprinters français, le quartet féminin de la poursuite par équipe avait repris du service. La composition légèrement modifiée par rapport à la veille, puisque Clara Copponi remplaçait Victoire Berteau, ne sembla pas dérégler outre mesure la mécanique des relais. On l’a dit hier, le match était difficile à gagner, et de fait les Anglaises se montrèrent intouchables, plaçant la barre très haut avec un chrono de 4’09’’671 encore inaccessible pour nous. Mais le 4’12’’525 réalisé par les Bleues leur ouvre les portes de la petite finale, et c’est aux Italiennes qu’elles disputeraient le bronze six heures plus tard. Une tâche rude mais pas impossible, en semblait-il alors.

La jeune fille à la natte

Dans le même temps mais dans l’autre monde (l’extérieur), c’est aux U19, et plus précisément aux filles U19, qu’est revenu d’ouvrir le bal, sur ce fameux circuit urbain dont le profil accidenté et le tracé tortueux font couler tant d’encre depuis hier.

Qui plus est le ciel, dans l’intervalle, avait enfin mis sa menace à exécution, ajoutant encore à la difficulté. Mais l’équipe de France était prête. « On était plus que confiantes, on savait, raconterait une Julie Bégo victorieuse, que l’une de nous irait chercher le maillot, mais on ne savait pas laquelle » !

Manifestement Célia Géry, Titia Ryo ou Elyne Roussel, dont la présence a pesé sur le peloton fatigué des poursuivantes, étaient de taille elles aussi.

C’est à un peu plus de 20km de l’arrivée que la jeune fille à la natte, et perle du cyclisme hexagonal, a trouvé le moyen de s’extraire. Puis de résister, dans son style bagarreur si caractéristique : « Elle n’a jamais compté plus de 18’’ d’avance, commente Emilian Broe, le coach des U19 dames, et l’écart est même tombé à 8’’. Julie ne se décourage jamais. C’est une travailleuse. Son talent nous avait sauté aux yeux à Gray en 2020, lorsque, cadette 1ere année, elle était devenue championne de France. Il lui manquait quelques habiletés, en termes de placement aussi bien que de pilotage. Si bien que son passage en junior a été un peu difficile, mais elle a comblé ses lacunes. » La nouvelle championne du monde junior confessera d’ailleurs s’être parfois trouvée en mauvaise posture dans les virages glasgoviens : « Deux ou trois fois j’ai failli tomber, j’ai chassé de la roue arrière. »

Les garçons piégés

La course des U19 garçons, à défaut de préfigurer celle des professionnels demain, peut donner une idée des chausse-trappes tactiques qui pèsent sur son déroulement. Un groupe de sept coureurs s’est détaché très tôt, portant presque aussitôt son avance à 40’’. Parmi eux, hélas, pas de Français. À cinquante kilomètres de l’arrivée, l’écart frôle la minute. Les hommes de Julien Thollet prennent la responsabilité de mener la chasse, à commencer par Paul Seixas qui, malgré deux chutes et un changement de vélo, se met à la planche pour Matys Grisel, leader désigné et dont les jambes semblaient bonnes, mais qui se repend de n’avoir pas accompagné la bonne échappée alors qu’il s’en sentait capable : « J’ai pensé que c’était trop tôt », dit-il. Avec la collaboration d’autres nations, on se rapproche à 30’’, à quarante kilomètres de l’arrivée, mais les échappés tiennent le choc, et les Français buttent sur l’obstacle. À quinze bornes, les sept hommes de tête ont repris du champ. Usés, les Français ne sont que trois à finir la course.

Le bronze et la boue

Au Nord, les Highlanders et les Highlandeuses de la descente ne seraient pas mangés à la même sauce par les flancs boisés de Ben Nevis. Le matin, avant que la pluie ne ravine entre les racines, les femmes ont concouru sur une piste inaltérée, identique à celle qu’elles avaient pratiquée la veille lors des qualifs. Et Marine Cabirou, valeur sûre de l’équipe de France, est allée percuter une belle médaille de bronze au pied de la montagne – c’est son troisième podium en Championnat du Monde.

D’une discipline à l’autre la dimension aléatoire se manifeste différemment. En descente, on sait que la pluie, qui sans dommage coule sur les visages, défigure le paysage.

L’après-midi, chez les hommes, certains ont pris leur tour avant la douche, dévalant une piste sèche, ou peu s’en faut. Mais les auteurs des meilleures qualifs partant les derniers, ont eu affaire à un tout autre terrain. Côté français, «Super Bruni » (tel qu’il dédicace), tenant du titre et en quête d’un sixième sacre, n’a pu faire mieux que 4e. Loris Vergier se classe 6è et Benoit Coulanges prend la 9e place.

Keirin : Mathilde, ça passe

Les journées de compétitions se terminent toujours dans le vélodrome, chauffé à blanc par le public écossais. Entre l’heure du thé et celle de l’apéro, Mathilde Gros s’est qualifiée pour les quarts de finale du Keirin, aux dépens de la Japonaise Fuko Umekawa coupable d’une irrégularité. À l’heure où s’écrivent ces lignes, la championne est au lit, concentrée sur la suite du tournoi.

Le bronze pour 5 filles en or

Bon, ok. On anticipe un peu : il n’est pas encore l’or. Mais on ne saurait dire combien est solide cette équipe de France de poursuite féminine, qui progresse avec une régularité infaillible depuis deux ans, et évolue désormais sur la piste comme un seul être. Le « quartet Monnerais » (Borras-Copponi-Fortin-Le Net – sans oublier Victoire Berteau qui a effectué les qualifs) s’est affronté à l’Italie pour la médaille de bronze, dans un match plus serré que les boulons de la tour Eiffel. Partant moins vite que les Italiennes, les Françaises passent des relais plus longs, donc moins nombreux : « et un relais, c’est un dixième » précise une Valentine Fortin comptable.

Après avoir accusé près d’une seconde (pas tout à fait) de retard sur leurs adversaires, c’est au seuil du dernier kilomètre que les Bleues sont revenues au score. À partir de là, l’écart s’est rétréci à un dixième de seconde, tel un point basculant tantôt dans un camp, tantôt dans l’autre. « À chaque tour,  on entendait le coach hurler « Égalité ! » Et on n’a pas lâché l’affaire », raconte Clara Copponi.

L’équipe de France de poursuite féminine est donc désormais installée parmi les trois ou quatre meilleures nations. Au chrono, elles font jeu égal avec les Néo-Zélandaises, et même si la plus haute marche de la boîte est encore nettement  au-dessus du genou (les Anglaises caracolent quatre secondes au-dessus des autres), rien n’interdit de « rêver grand » (Coponni dixit) !

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