Le feuilleton de Glasgow, Day Ten : L’équipe de France, moissonneuse battante.

Pauline et Loana, main dans la main, ont cassé la baraque et sous la pluie sont tombées dans les bras l’une de l’autre. Victor Koretzky était fort mais aussi fort contrarié. Sur la route, Axel Laurance a réalisé un authentique exploit à la Van der Poel, dont il rejoint l’équipe. En trial, deux de nos juniors, Robin Berchiatti et Luka Pasturel, sont médaillés d’argent. Deux d’or, trois d’argent : battante, l’équipe de France a sorti la moissonneuse ce samedi.

Dix jours qu’on est là dites, et le mois d’août qui a déjà perdu un bon tiers de sa longueur sans qu’on s’en aperçoive. C’est qu’on ne s’ennuie pas. À la ville et au champ, il y a des courses cyclistes partout !

 XCO filles : l’arme de joie

Peebles est jumelée avec Hendaye, mais ça n’est (vraiment) pas le sujet. Le sujet, l’objet, et le complément de toutes les attentions à Peebles aujourd’hui, ça n’est pas de savoir comment associer kilt et béret basque en soirée, c’est la course XCO. Les courses XCO.

Les filles ont commencé, et on en a pris plein la vue. Pauline Ferrand Prévot et Loana Lecomte n’ont aucune forme de pitié pour l’auteur de ces lignes ou ses confrères, elles mettent à mal leurs capacités superlatives. Que dire ? Cette paire-là vaut un carré, c’est sûr. Et le spectacle auquel on a assisté a l’arrivée est émouvant comme la cérémonie d’un festival de cannes : Yvan (Clolus) tombe dans les bras de Pauline, qui tombe dans les bras de Loana qui tombe dans les bras d’Yvan. Mouillant la chemise, cette équipe de France nous mouille les yeux, dites !

Commençons par les faits. Pauline a pris un plutôt mauvais départ, mais elle ne s’est pas affolée. D’ailleurs, à l’entendre raconter ses courses, on remarque qu’elle se parle beaucoup à elle-même. « J’ai perdu du temps parce que je n’arrivais pas à clipser ma pédale, et je me suis retrouvé dans le pack où ça frotte, ça prend des risques. Comme je ne voulais pas me mettre à terre (sic) dans le start loop, je me suis dit « Pauline, tu ne t’énerve pas, si tu as choisi un vélo plus léger d’un kilo, c’est pour essayer de faire toutes les bosses à fond, et les descentes un peu plus cool. » Elle a donc assuré sa mission « en métronome : les bosses à fond, les descentes un peu plus tranquille » C’est facile les championnats du monde, après tout ; pourquoi on n’en fait pas, nous ?

Car bien sûr, vous connaissez déjà la fin (mes doigts ne tapent pas à 24 images secondes) : à la fin du film, c’est Pauline qui gagne. Elle décroche son quinzième titre mondial (j’avais anticipé, dans l’article d’avant-hier), le douzième en individuel, et le cinquième en XCO, battant cette fois-ci un record dont elle ne savait pas qu’elle l’égalait l’année dernière. « Je ne vais pas changer de garde-robe », a-t-elle souri.

Évidemment, chaque métier a ses contraintes. Nous on pose des questions obligatoires, des questions pas forcément géniales mais qu’on nous reprocherait de ne pas poser. Interpelée, donc sur sa « place dans l’histoire du sport français, because, quinze fois championne du monde, ça commence à faire beaucoup ? », la jeune femme a retorqué que « Être quelqu’un ou quelque chose, je n’y pense même pas. Ce qui m’intéresses, c’est de faire ce que j’aime. L’impression d’être comprise chez Ineos. Ils sont tellement pros. J’aime vraiment ma vie. »

La nouveauté, la vrai, ça n’est pas que Pauline ait gagné. Et que Loana l’emporte, ça n’aurait pas surpris non plus, même si ce n’était que son deuxième mondial en élites. Ce qui est nouveau, c’est d’avoir su faire ne sorte que les forces respectives de ces deux missiles ne s’annulent pas au gré des circonstances de course, mais s’articulent ou s’additionnent bel et bien. Yvan Clolus sait que son travail a payé : « Elles sont toutes les deux capables de gagner, on le savait depuis longtemps. Mais la réussite c’est qu’elles aient pu toutes les deux s’exprimer à 100% dans la même course. Les semaines passées, elles ont travaillé ensemble, échangé, et construit ensemble cette performance. Ce sont deux athlètes exceptionnelles aux qualités différentes et, à preuve, complémentaires. »

De fait, les deux  concernées partagent cette analyse, Pauline est très consciente de la supériorité technique de Loana : « Loana, c’est une artiste. Elle arrive sur le circuit, là, elle passe tout du premier coup. Techniquement, elle m’est supérieure. » Quant à la cadette, elle ne manque pas d’humilité : « Pauline, oui, je l’ai vue revenir mais pas longtemps, elle est vite repartie ! dit-elle en riant. Dès qu’elle m’a doublée, j’ai senti qu’à essayer de la suivre je risquais de me mettre vite en surrégime. Nous avions deux rythmes différents : j’allais sans doute un peu plus vite en descente ou sur l’obstacle, mais elle est plus forte que moi dans les montées. Je suis heureuse, car toutes les deux, on est en train de bâtir quelque chose de solide, je crois qu’il n’y avait pas de meilleure façon de rendre à Yvan Clolus tout ce qu’il met en place depuis plusieurs années. »

Bien sûr, l’heure est à la célébration. Mais le regard de ces deux-là vous traverse, déjà fixé sur 2024. « Mais ce n’est pas parce que je suis championne du monde aujourd’hui, que je serai championne olympique dans un an » lâche PFP. C’est pas une médaille d’or qui va la déconcentrer, Pauline.

Victor colère

Chez les hommes, les choses ne se sont pas aussi bien passées, on le sait. C’est-à-dire, on sait que Jordan Sarrou n’a pu se maintenir dans le groupe de tête (et que c’est le sport et rien d’autre), mais encore que Victor Koretzky, qui échoue au pied du podium, était de taille à disputer leur médaille aux trois premiers, n’eût été cette modification du règlement qui autorisa les stars de la route à partir mieux placés que lui.

Deux juniors en argent

Autre lieu (pas si loin : le Green Park de Glasgow), autres mœurs (pas tant que ça : deux roues, de l’équilibre) Un parcours de trial, pour qui n’y connaît rien, c’est des troncs, des bobines, des poutres, des bidons, déposés sur un champ, et qui pourraient sembler des objets abandonnés dans la débâcle. Or, c’est tout le contraire, une zone de trial ça évoque plutôt le Pays des Merveilles de Lewis Carroll.

Dans ce décor dont leurs acrobaties accentuent le caractère surréaliste, nos trialistes français avaient bien débuté la journée. Les juniors Robin Berchiatti et Luka Pasturel (en 26 pouces) décrochaient chacun une médaille d’argent.

« Robin était champion en titre et a sans doute un peu souffert d’une pression qu’il n’avait pas connue l’an passé, souffle Simon Rogier, le coach du trial français. De plus les conditions étaient plus difficiles, l’an passé Weightman (le vainqueur) n’était pas là, blessé. Et Stenvall avait commius une grosse erreur en entrée de parcours. L’argent dans ces conditions, ça montre que Robin est capable d’assurer. Quant à Luka, il a encore besoin d’apprendre : pas sur le côté technique où il progresse, mais tout le reste (récup, reconnaissance, côté psychologique). C’est ça qui justifie notre travail, d’ailleurs ! »

Chez les filles élites Nina Vabre se classe 4e, à 40 points du podium. Chez les hommes, en 20 pouces, Louis Grillon est le premier Français depuis une bonne dizaine d’années à se qualifier pour une finale mondiale, il se classera 6e, et l’expérimenté Vincent Hermance, 5e.

Route Espoirs : Axel l’exploit

Sur le circuit infernal d’une ville si chaleureuse, Axel Laurance a réalisé la synthèse parfaite, et est allé décrocher un de ces arc-en-ciel qui, pour rôder souvent dans le ciel écossais, n’en sont pas moins sauvages et difficiles à capturer. Membre d’une échappée « matinale », partie à 150km du but, le Français a réattaqué seul à près de 30 km du but, et su se sortir les tripes – au sens le plus littéral du terme – pour atteindre la ligne d’arrivée avec deux secondes de reste sur ses poursuivants. Sacré champion du monde espoirs comme Cosnefroy ou Démare avant lui, le Français donne une idée de son potentiel. Un exploit qui s’inspire de celui de son nouveau coéquipier et leader, Mathieu Van der Poel, auprès de qui il a pris conseil par au téléphone (tactique, pression des pneus) et d’une science de la course héritée de son père.

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