Le feuilleton de Glasgow, Day Eleven : Braquage français sur la Race !
Carton plein aux BMX Race : les Français sont cinq en finale, et trois sur le podium – Romain Mahieu rafle la mise ! Avant eux Tessa Martinez avait décroché son arc-en-ciel chez les U23. À l’Arena le cyclisme en salle a fait rage. Et sur la route, nos filles ont manqué de réussite.
Triplé historique, Mahieu et Martinez champions

Après onze jours de compétition le soleil, tel une eau ayant rompu le barrage, inondait le Glasgow BMX Center. Le silence semblait près de faire craquer les tribunes, puis la grille en s’abaissant a libéré les cordes vocales. Quarante folles secondes. Tohu-bohu, mais sur la piste, une sauvagerie parfaitement maitrisée de la part des cinq finalistes français. Puis c’est une étrange ambiance qui a flotté dans le sas d’arrivée, après la victoire de Romain Mahieu, et le formidable triplé de l’équipe de France (Pilard second, Daudet troisième). La joie bien sûr, mais elle était si forte que teintée d’une espèce de gravité – ou de sidération, peut-être. Coureurs et membres du staff se congratulaient tour à tour, avec une étonnante lenteur, comme quand il n’y a pas de mots. Étreintes serrées ponctuées de claques viriles sur les omoplates.
La joie et l’incrédulité se mêlaient, la joie du collectif et ici et là cette pointe de déception personnelle qui ne l’empêche pas.

Il a fallu un peu de temps à Julien Sastre, head coach du BMX Racing français, pour prendre le pas de recul nécessaire à la parole. Ainsi a-t-il tenu, en-deçà de l’émotion présente, à saluer toute l’équipe de France. « Cette équipe a été incroyable, que ce soit chez les jeunes ou chez les élites, lesquels ont réalisé ce dont on les savait capables depuis longtemps. Individuellement, il y a des joies énormes et aussi des déceptions. J’ai ici une grosse pensée pour Sylvain André, qui souffre d’une commotion après sa chute en quart de finale, et qui était tout aussi susceptible de vaincre que les autres. Ça fait un moment que je leur cassais les bonbons (sic) avec cette histoire de triplé, et que je leur disais que je voulais voir les huit en finale, ce qui n’était qu’une demi-plaisanterie, car les huit en sont capables. Je suis ravi pour Romain, dont c’est le premier titre mondial. Arthur sur le podium, idem : il commence à aller au bout de ses finales. Juste une pointe de déception pour Joris, qui déclipses dans le premier virage mais qui, en grand champion, finit tout de même sur le podium, allongeant un palmarès déjà incroyable. »
Sans oublier Léo Garoyan 7e, mais déjà finaliste pour son premier mondial chez les élites.
Non plus que la merveilleuse victoire de Tessa Martinez, sans rivale chez les U23, mais dont on doit saluer la capacité à tenir ses engagements (« Elle me le dit depuis le début de l’année » sourit Julien Sastre) et à résister à la pression. Enfin, preuve s’il en fallait encore que le vivier français est riche, la médaille d’argent de Matéo Colsenet chez les hommes U23.


À guichets fermés
Avant cela on était passé une nouvelle fois par l’Emirates Arena, où se tiennent toutes les compétitions de cyclisme indoor, alternant les matches de cycle-balle et les programmes de cyclisme artistique. L’intérêt du show qui en résulta s’appuie donc sur une sorte de dialectique entre un idéal de grâce et de maîtrise sereine, et des combats endiablés autour d’une balle emplie de crin de cheval. Le spectateur (comme, en Suisse, en Allemagne ou en Autriche, pays où il est populaire, à Glasgow le cyclisme en salle jouait à guichet fermé) passe donc par des ambiances contrastées : lumière simple et musique douce, puis ambiance stroboscope et décibels pour introduire des rencontres de cycle balle d’autant plus intenses qu’elles se jouent à 2 contre 2, en 2 mi-temps de 7 minutes chacune.

« C’est un effort tout en intensité, nous ne sommes pas les plus endurants des athlètes » sourient Mathias et Quentin Seyfried, coéquipiers depuis 2017 et frères depuis bien plus longtemps. De fait, les « cycleballeurs » sont toujours debout – ils ne doivent pas poser pied à terre – et tractent des bras et des épaules pour couvrir la balle, se la passer et, bien sûr shooter de la roue avant vers le but adverse.
Hier les Français (en ligue A, la meilleure des deux) avaient achevé la journée en troisième position des phases qualificatives. Mais ce matin, opposés aux 4e – les Tchèques – il ont perdu, et manqué l’occasion de se qualifier directement en demi-finale. Et, devant rencontrer ensuite le perdant du match ayant opposé les 2e et 5e équipes, ils ont joué de malchance car, contre toute attente, l’Allemagne, finalement vainqueure du tournoi, avait perdu contre la Suisse !
Cyclisme artistique : l’art objectivé
Quant au cyclisme artistique, qu’en dire, au-delà de la forte impression qu’inspire les athlètes. Chacun ou chacune d’entre eux ou elles, doit présenter un programme, préparé à l’avance, et composé d’un enchainement de figure toutes répertoriées et notés selon un barème fixe. Ainsi chaque concurrent annonce viser un certain total de points, charge à lui d’exécuter son enchainement à la perfection, car chaque faute lui sera déduite.
Ainsi par exemple, la Française Alice Rieb, 7e à l’issue des qualifications, présentait-elle un programme à 153,79 points, quand les 4 ou 5 meilleures mondiales visaient autour de 190. Le cyclisme artistique, bien implanté en Allemagne, Suisse, ou Autriche, où les athlètes bénéficient de statuts de haut niveau, ce qui n’est pas le cas en France où il reste confidentiel – et de fait, globalement cantonné à l’Alsace. Il se rapproche et s’éloigne du freestyle flat : s’en rapproche par le côté acrobatique ou chorégraphique (même si l’étayage musical diffère), et s’en distingue par la nature du vélo utilisé. La différence la plus importante est la suivante : en Freestyle, le style et la créativité sont jugés et notés, alors qu’en cyclisme artistique on peut « réussir » à enchainer les figures sans faute, mais sans élégance non plus. Laquelle n’est pas récompensée, alors qu’elle est manifeste.
Une course moins tactique qu’espéré
Dans les rues viroleuses et casse-pattes de Glasgow, désormais familières, la course sur route féminine clôturait ces douze jours de compétitions cyclistes. Sans leur chercher d’excuse, on peut dire que les filles de l’équipe de France ne furent pas vernies. Plusieurs furent vraisemblablement touchées par une petite intoxication alimentaire. Puis Victoire a chuté à l’entrée sur le circuit. Paul Brousse, le sélectionneur national des équipes féminines espérait une course plus tactique, car « nos filles sont malines, et sentent la course. Malheureusement ce fut plus une course à la cuisse. » Juliette Labous a accroché tôt une belle échappée, « pour se donner un coup d’avance, car on sait que par rapport aux meilleures elle manque encore un peu de punch, a besoin de lisser son effort. » Mais les Italiennes et les Allemandes n’étaient pas représentées à l’avant. Puis l’enchainement des côtes punchy ne lui fut pas favorable, car il lui manque encore « un petit quelque chose sur ce point. Mais, bon, ça reste une course de vélo, on fera de mieux en mieux. Le bilan global n’est pas mauvais. La seconde place au chrono mixte, à 7 secondes de la victoire, ça montre que nos filles sont de bonnes rouleuses. On va se focaliser sur cet exercice pour le championnat d’Europe. »