Glasgow 2023 : on revient avec des questions, mais confiants dans notre savoir-faire.
Glasgow est désormais dans le rétroviseur. À la fois en marge et au cœur de la compétition, la Fédération Française de Cyclisme et les équipes de France occupaient une position double : acteurs bien sûr (le tableau des médailles en témoigne) mais aussi observateurs. Son président Michel Callot tire les enseignements de la quinzaine, pour mieux se projeter dans l’organisation de l’édition 2027.
Glasgow a donc concentré en un seul évènement les championnats du monde de 13 disciplines du cyclisme. La prochaine occurrence de ce « championnat total » est fixé à 2027 et aura lieu en France, en Haute-Savoie. Quelle est l’historique de cette attribution ?
Depuis le début, ou presque, de mon premier mandat, je m’étais mis en quête d’une collectivité qui nous permette d’organiser des championnats du monde sur route, ce qui restait le plus gros évènement de l’UCI, mais que la France n’avait pas accueilli ni organisé depuis 2000 à Plouay. Avec David Lappartient, j’avais rencontré une première fois Christian Monteil, prédécesseur de Martial Saddier à la tête du conseil départemental de Haute-Savoie, et nous étions passés à deux doigts d’un accord pour l’organisation des Mondiaux 2020. Mais le contact entre la Haute-Savoie et l’UCI était établi et, plus tard, en juillet 2021, à l’occasion d’une discussion informelle avec Monsieur Saddier, David Lappartient a mentionné le calendrier bien chargé, faisant valoir que la première opportunité pour un championnat du monde était 2027. À un détail près, cependant : c’est qu’il ne s’agirait pas des seuls championnats sur route, comme évoqué lors de la discussion initiale, mais de ce format « total » qu’on connait aujourd’hui : de tous les championnats du monde de tous les cyclismes réunis sur un même lieu ! Or, cela n’a pas fait reculer le Président Saddier et, en septembre, nous nous sommes à nouveau retrouvés tous trois autour de la table pour établir ce projet de candidature. L’origine du projet remonte donc à 2017, et à notre quête initiale, en tant que fédération, d’organiser des mondiaux route. Le concept de « championnat total », tel qu’il vient de se dérouler à Glasgow, n’existait pas.

Précisément, à quand remonte ce concept de « super-championnat » ?
A ma connaissance, tout a débuté ici à Glasgow en 2018, entre David Lappartient et les acteurs locaux, dont Paul Bush qui est aujourd’hui le Président du comité d’organisation, dans le cadre des « championnats sportifs européens », qui incluaient les championnats de cyclisme. M. Lappartient imaginait alors créer un évènement regroupant la même année sur le même lieu les championnats des disciplines olympiques – donc c’était un peu plus limité. C’est en travaillant le concept que le nombre des disciplines s’est élargi. Par ailleurs, il faut souligner que, dès le stade initial du projet, il était question de placer ce super-évènement l’année précédant les Jeux Olympiques, pour permettre aux nations de s’y préparer, d’avoir une sorte de répétition.
On sait que de Glasgow 2023 à la Haute-Savoie 2027, de nouvelles disciplines allongeront encore la liste : pourquoi ?
Déjà parce que certaines disciplines sont apparues entre temps (ex : E Cycling) et ensuite parce qu’on s’est rendu compte, en travaillant sur le dossier, que plus le nombre de disciplines est grand, plus l’impact médiatique est fort, ce qui devrait profiter, notamment, aux moins exposées de nos disciplines. C’est pour cela qu’on passe de 13 championnats ici à Glasgow à, disons, une vingtaine ou presque, en Haute-Savoie. Enduro, pumptrack, e-cycling, polo-vélo… seront au programme, sans oublier les U19 sur la piste. Et bien entendu, toutes les disciplines paracyclistes, car contrairement à ce qui est le cas en France jusqu’à maintenant, où le paracyclisme relève d’une fédération handisport, au plan international, c’est l’UCI qui a la délégation.

Concernant l’organisation de l’édition 2027 en Haute-Savoie, comment se répartissent les responsabilités, les missions et les efforts, entre les différents acteurs ?
Il y a trois acteurs signataires du premier contrat. L’UCI qui attribue et contrôle ; la Haute-Savoie, qui quant à elle décide sur le plan politique, c’est-à-dire notamment des lieux, des enjeux d’équipement (la construction du vélodrome notamment) et prend la responsabilité du financement ; et nous, la Fédération Française de Cyclisme, qui en tant que fédération délégataire, sommes responsables actifs de la livraison sportive de l’évènement. Sur ce dossier, nous travaillons en co-présidence avec Martial Saddier.
Concernant le cyclisme « indoor » (piste, mais aussi cyclisme artistique et cycle ball) ces méga-championnats posent des problèmes de structure. Au vélodrome de Glasgow, où se jouaient à la fois les compétitions valides et paracyclistes, le centre-piste semblait exigu, au point que les cérémonies protocolaires se déroulaient dans une autre enceinte…
La différence bien sûr, c’est qu’ici à Glasgow l’organisation des compétitions sur piste et indoor s’est appuyée sur une structure existante, alors que concernant les championnats de 2027, l’Arena-vélodrome de la Haute Savoie n’est pas encore sortie de terre. De fait, nos équipes ont été impliquées dans la rédaction du cahier des charges à l’origine du concours d’architecture. Elles ont par exemple souligné l’obligation de travailler avec un architecte expérimenté en matière de construction de vélodrome, ce qui est très particulier.
Maintenant nous sommes arrivés au terme du concours d’architecture, et s’ouvre la procédure administrative, préalable à la délivrance du permis de construire. Ce qui signifie que nous sommes dans les temps, et que la livraison devrait s’effectuer fin de l’été 2026, un an avant l’évènement.
Que sait-on du bâtiment en question et de la piste proprement dite ?
Ce qui va le caractériser c’est son intégration aux équipements déjà présents à la Roche sur Foron, son articulation avec un parc des expositions, ainsi que sa polyvalence sportive, tournée aussi vers des sports extérieurs. Pour ne citer que cet exemple, le projet comprend un mur d’escalade. En d’autres termes, il ne s’agit pas – et l’on comprend que ce fût un point important quant à justifier le financement – d’un projet exclusif au cyclisme ni à l’évènement lui-même.
La Haute-Savoie ne ressemble pas à Glasgow au plan géographique. Quelles sont les implications de cette différence en termes d’organisation ?
La Haute-Savoie est évidemment un département très touristique. C’est pourquoi nous avons d’abord fait valoir auprès de l’UCI l’intérêt de déplacer à fin septembre la date de l’évènement. En août, en pleine saison touristique, ce n’était pas envisageable, pour des raisons évidentes de saturation hôtelière. Et pour l’UCI, cela permet de restaurer le mondial route à sa date habituelle, ce qui est cohérent avec les exigences générales du calendrier World Tour.
Cela permettra d’utiliser à plein les capacités d’hébergement de la Haute-Savoie, qui sont de l’ordre de 800 000 lits, je crois. La différence majeure par rapport à Glasgow, est bien sûr d’ordre géographique. À Glasgow, en dépit d’une certaine distance entre les sites de compétition, il y avait ce centre de gravité qu’est une grande ville, avec ses capacités d’hébergement très concentrées – des hôtels à plusieurs centaines de chambres. La physionomie est tout autre en Haute-Savoie, où l’hébergement est (beaucoup) plus étalé. Un enjeu important sera donc la complexité de gestion des flux. Venir sur le terrain ici, cela nous a permis de mesurer l’acuité des questions, et de se mettre au travail rapidement. Je crois que la résolution de ces problèmes se base sur la prise en compte des besoins spécifiques des participants à l’évènement. Par exemple, si 10 ou 15 nations seront engagées sur tous les fronts et tous les terrains de jeu, de nombreuses autres n’étant concernées que par un nombre limité de compétitions, n’auront pas du tout les mêmes besoins. C’est un premier axe de réflexion. Un autre sera de raisonner selon les besoins spécifiques des différentes corps de métier impliqués : je pense aux médias, aux prestataires, aux officiels… C’est une deuxième nature de flux. Puis, bien sûr, les spectateurs ! Voyez ici à Glasgow : en ville pour les épreuves sur route il y avait foule, mais à l’extérieur c’était variable. Nous devons donc réfléchir à cela, car nous aurons vraisemblablement une douzaine de sites différents. Il faudra inciter les spectateurs à se déplacer d’un lieu à l’autre et surtout leur en fournir la possibilité. On n’a pas toutes les réponses, on repart avec des questions utiles pour bien construire l’évènement.
Et du côté des enseignements positifs, ou ce qui a particulièrement bien fonctionné, ici à Glasgow ?
J’ai été impressionné par la capacité d’animer Glasgow – des responsables locaux me disaient que l’impact est réel sur le comportement des gens, qui utilisent davantage le vélo. Si c’est le cas, c’est une vraie réussite, il y a une dimension d’héritage, de trace vertueuse laissée par l’évènement qui nous donne à réfléchir. Un autre point fort, qui n’a rien d’anecdotique, c’est la gentillesse des bénévoles, sans doute remarquablement formés aux postes qu’ils occupent, et très rigoureux dans l’application.
Mais ce qui est très rassurant pour nous, par comparaison, c’est qu’à considérer discipline par discipline, je peux dire que le standard d’organisation français est nettement plus élevé, les moyens engagés sont sans commune mesure, que ce que j’ai vu ici. L’habillage, la maîtrise technique de l’organisation des sites de compétitions et la capacité à accueillir avec des espaces d’hospitalités importants font partie de notre savoir-faire, dès les Championnats Nationaux et bien évidemment largement repris et démontré dans nos l’organisation des trois Championnats du monde réalisée en 2022 dans notre pays. Ça peut sembler relever du decorum, mais en matière de signature de l’évènement, l’organisation autour des points clefs de la compétition, c’est fondamental, et de ce point de vue nous avons une grande maîtrise que nous mettrons évidemment au service de la réussite de 2027. Ces Championnats du Monde 2027 toutes disciplines de l’UCI en Haute Savoie devront être exemplaires pour assurer de la meilleure manière la promotion du cyclisme sous toutes ses formes et des valeurs du vélo dans son acceptation la plus large.